Mes dernières chroniques

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mercredi 15 janvier 2014

La cravate

Auteur : Milena Michiko Flašar
Traducteur : Olivier Mannoni
Edition : L'Olivier
ISBN : 2823601368
Pages : 164 pages
Prix : 18.50 euros


RÉSUMÉ

«Un regard fugitif à sa montre, puis il a allumé une cigarette. La fumée s'est élevée dans une suite de ronds. Ce fut le début de notre relation. Une odeur âcre à mes narines. Le vent soufflait la fumée dans ma direction. Avant même que nous ayons échangé nos noms, c'est ce vent qui nous fit faire connaissance.» 
Dans un parc, quelque part au Japon, Taguchi Hiro et Ohara Tetsu se sont assis sur un banc. Le plus jeune vient de sortir de la chambre où il vit cloîtré depuis deux ans. 
 L'homme à la cravate a été licencié, mais il est incapable de l'avouer à sa femme. 
L'ermite moderne et l'employé modèle se regardent en silence, s'apprivoisent, se racontent. La disparition d'un ami poète fauché par une voiture, le suicide d'une camarade de classe, la vie professionnelle brisée, l'amour d'une épouse, les rêves et les renoncements. 
 Bribe par bribe, ils se livrent l'un à l'autre.


L'AUTEUR


MON AVIS

Taguchi Hiro est ce que l'on appelle au Japon un "hikikomori" qui représente en quelque sorte un ermite adolescent. Âgé d'une vingtaine d'années, âge qu'il choisit lui-même à la page 37 - "J'ai vingt ans. Vingt ans, c'est l'âge que je me choisis.", il est affligé par les deux drames qu'il a connus et ainsi se replie sur lui-même, se fermant au monde. C'est ainsi que cloîtré dans sa chambre il tente de devenir un fantôme aux yeux de la société.
Et, tandis qu'il commence à sortir de la bulle dans laquelle il s'est enfermé, Taguchi Hiro vient s'asseoir chaque jour sur le même banc du même parc qui représente à la fois l'attente et l'observation. Au fil des jours il aperçoit un homme - Ohara Tetsu, un "salaryman" qui représente un travailleur en costume - venant, lui aussi, s'asseoir tous les jours sur le banc en face du sien. Cet homme aux manières simples et enfantines l'intrigue et petit à petit une relation muette puis vocale se crée entre eux. Le banc de Taguchi Hiro devient "leur" banc à tous les deux.

Si l'écriture est fluide et pleine de poésie, si les chapitres sont très très courts - comme je n'en ai jamais vu dans un précédent roman - j'ai trouvé l'histoire longue et ennuyante. Il y a au début du roman comme un flash back qui nous pousse à lire le récit jusqu'au bout et la fin est d'ailleurs tout à fait surprenante. C'est ce suspens qui m'a poussée à continuer tandis qu'au détour de chaque page j'étais tentée de m'arrêter là.

On retrouve dans ce court roman tous les stéréotypes que l'on a pu découvrir avec Amélie Nothomb et qui sont la perfection, la honte, les masques, le formatage des Japonais en fonction de leur âge.
Page 40 Taguchi Hiro avoue "J'ai honte de ma honte". Et à la page 55 il ajoute "Ma chance, c'est de faire partie d'une famille qui a honte de moi."


Durant tout le récit il est question d'apprentissage, de dés-apprentissage de la vie.  Cette cravate que l'on noue et dénoue à l'infini qui représente une preuve que le salaryman va travailler, une preuve qu'il est là, qu'il était là, qu'il n'y est plus. Une preuve qu'il se détend ou se laisse comme c'est écrit dans le roman "porter" par sa cravate.

On découvre également des phrases très profondes qui pourraient s'adresser à tout un chacun.
Page 41 "Chaque être humain est un amoncellement d'histoires. Mais moi. J'hésitais. J'ai peur d'amonceler des histoires. J'aimerais n'être qu'une histoire où rien ne se passe."
J'ai beaucoup aimé la métaphore du mensonge que représente la trahison de Ohara Tetsu envers son épouse Kyōko.
Et alors qu'il trébuche au sens propre et au sens figuré quelques pages auparavant, il nous décrit ce mensonge à la page 66 :
"Moi qui n'ai jamais trompé Kyōko, j'ai l'impression d'avoir une maîtresse. Son nom est illusion. Elle n'est pas belle mais assez mignonne. Jambes longues. Lèvres rouges. Cheveux bouclés. J'en suis fou. Je ne voudrais certes pas commencer une nouvelle vie avec elle, mais ça ne m'empêche pas de construire avec elle des châteaux en Espagne. Je la conduis dans les meilleurs restaurants de la ville. Je la nourris. Je loue un appartement. Je l'entretiens. Quoi que cela coûte. Elle me satisfait, moi et ma virilité. À son côté je redeviens jeune et fort. Elle susurre : le monde est à tes pieds. Elle croit en moi et en mes possibilités, je crois en sa foi en moi, je me laisse totalement flatter par celle-ci. Je suis un aventurier à l'aise."


Lu dans le cadre de la 15eme édition du Prix des lecteurs de l'Armitière.

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